Avant les grues et les pelleteuses, à Marseille, il y avait La Plaine (ou Place Jean-Jaurès pour les puristes), mais pas la Plaine que vous connaissez remplie de "bobos", de stands à pizza et de concepts store au Macha qui changent tous les week-ends et alternent entre centre de yoga, boutique de CBD et fripes hors de prix... L'ambiance y était différente, un vrai quartier populaire, limite dangereux...
On ne brandissait pas nos téléphones à tout va, et personne n'avait l'audace de sortir son PC portable dans un café en plein air... Des enfants jouaient au foot sur le terrain, les terrasses débordaient de personnes en tout genre à l’heure de l’apéro, et le marché du jeudi attirait des centaines de familles venues faire leurs emplettes.
Loin des projets de rénovation urbaine, La Plaine était une vraie place de village à l’échelle d’une grande ville, à l'époque où l’alternatif n'était pas la norme.
Puis il y a eu le chantier, qui a divisé le quartier en deux et qui a fini par se faire coûte que coûte (voir photo plus bas).
Avant les travaux : l’endroit où il se passait tout et n'importe quoi !
La Plaine avant les travaux, c'était un peu comme le centre névralgique de Marseille, mais sans le côté les touristes en basket. Le genre d’endroit où tu pouvais croiser un hipster avec sa barbe bien taillée, un jeune lascar qui veut te faire les poches, et une mamie qui te vend des chaussettes et des plantes grimpantes.
Et puis, y'avait toujours ce chanteur déchu, là, sous son arbre, qui s’époumonait depuis 20 ans à chanter les mêmes refrains Reggae. À force, il ne savait même plus s'il croyait encore en ses paroles, mais il continuait, le regard un peu fatigué, comme un soldat en fin de mission. Mais tu l’aimais bien, lui, parce que t'avais bu. Parce qu’il faisait partie du décor, et ça, c’était La Plaine. Une scène de théâtre vivante, un peu désordonnée, mais vraie.
Et comme dans toute bonne pièce de théâtre, il y avait le moment où ça partait en vrille. Une remarque mal placée, une histoire de canette ou une place sur un banc mal disputée… Et là, c'était le déclencheur. Une bagarre éclatait toujours quelque part, avec des éclats de voix, des gestes amplifiés, et surtout, des bouteilles de Heineken qui volaient dans tous les sens, comme des projectiles venus d’un autre temps. Les bouteilles se brisaient au sol, mais la scène restait presque normale, comme si ça faisait partie du décor.
Les changements à venir
Aujourd’hui, le quartier vit une transformation profonde : nouvelles terrasses, nouveaux aménagements, plus d’espaces piétons… Mais beaucoup regrettent déjà l’époque avant les travaux, où La Plaine ressemblait à une scène de film (d'horreur, d'action, et parfois même burlesque).
Des images du chantiers:
Le mur de la discorde
Au plus fort des tensions, la mairie et les entreprises de travaux ont pris une décision radicale : ériger un mur de béton autour de la Plaine en octobre 2018. Officiellement, ce mur avait pour but de protéger le chantier des dégradations et des intrusions.
En effet, plusieurs nuits d’affilée, des engins avaient été sabotés et des matériaux incendiés. Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre avaient également éclaté, parfois très violents. Mais pour les habitants, ce mur n’était pas qu’une protection : il devenait le symbole d’une fracture entre les décideurs et les riverains.
Beaucoup y ont vu une volonté d’exclure la population de son propre quartier, comme si l’on enfermait La Plaine derrière des barrières infranchissables. Les images de ce mur, haut de près de 2,50 mètres et long de plusieurs centaines de mètres, ont fait le tour des réseaux sociaux et de la presse. Certains l’ont comparé à un mur de séparation, un geste politique fort qui a marqué durablement l’histoire du chantier.
0 commentaire